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N° 1180 Mars 2002

EVELYNE COHEN MAUREL
ET HÉLÈNE FÉCHANT-COUVEZ
responsable Veille au département R & D de la société Saveur
Cuisson sous-vide concilier sécurité et qualité
La cuisson sous-vide répond aujourd'hui aux besoins du marché en termes de sécurité, nutrition et plaisir. Techniquement, ces impératifs sont difficiles à concilier. Revue bibliographique.

L'aliment cuit sous-vide peut se définir comme l'assemblage d'ingrédients crus, emballés sous-vide, puis cuits dans l'emballage avant d'être refroidis et conservés en froid positif. Il semble aujourd'hui répondre aux exigences du consommateur, qui portent à la fois sur la sécurité et sur les qualités organoleptiques et nutritionnelles des produits. Mais les impératifs techniques sont difficiles à concilier et toute mise au point d'une recette résulte du compromis entre un bon niveau de sécurité bactériologique et une juste cuisson pour restituer les qualités de la cuisine traditionnelle.
Petit historique : la cuisson sous-vide a fait ses débuts dans les années 1970, avec la cuisson du jambon dans son emballage définitif. Elle était utilisée au même moment pour améliorer le rendement du foie gras dans le secteur artisanal. En 1974, la technologie est appliquée aux plats cuisinés mais elle n'est adoptée à l'échelle industrielle qu'en 1981. Cependant, les données scientifiques disponibles sont encore rares. C'est en 1984, sous l'impulsion de Bruno Goussault du Créa et de Joël Robuchon, que la technique progresse réellement. Elle évolue vers une cuisson à basse température, puis vers la « juste cuisson », pour le plus grand respect des qualités organoleptiques et fonctionnelles, et ce grâce à une meilleure maîtrise des barèmes temps/température, au suivi de la température à cœur du produit au demi-degré près et à la précision des cycles de montée en température et de refroidissement.

Un compromis entre la sécurité et la juste cuisson

ASPECTS MICROBIOLOGIOUES
Il faut quand même savoir que les valeurs pasteurisatrices utilisées classiquement en microbiologie alimentaire ne sont pas transposables aux températures inférieures à 65 °C. Cette réalité a conduit l'Inra à établir les nouvelles valeurs de D et de z à 58 °C et 62 °C (voir tableau ci-contre). Ces études ont également montré que les formes végétatives pathogènes étaient détruites au cours d'une cuisson à 58 °C (comme avec des températures comprises entre 70 °C et 90 °C). Par contre, certaines flores d'altération subsisteraient mieux lors de cuissons à basse température. Mais elles présentent un risque limité, leur « visibilité » alertant le consommateur en cas de mauvaises conditions de conservation.

Les avantages techniques de la cuisson sous-vide

> pas de recontamination après conditionnement,
> absence d'air, ce qui favorise les transferts de chaleur,
> absence d'oxygène, donc protection contre l'oxydation,
> inhibition des micro-organismes aérobies,
> préservation des qualités aromatiques et nutritionnelles.

Partenaires et lieux d'échanges

> En Europe, l'un des principaux lieux d'échange technique est le « Sous-vide competence Center» (Alma) à Louvain [Belgique) qui organise les symposiums« Cuisson sous-vide».
> En France, la société Créa accompagne les professionnels dans la mise au point des différentes recettes.
Créa Formation, Bruno Goussault, Paris, Tél. 01 40 44 74 56

Législation

A ce jour, aucun pays ne possède de législation spécifique mais un effort d'harmonis­tion est engagé au travers de l'ECFF ( european chilled food Federation) à laquelle adhère le Synafap (Syndicat national des fabricants de plats préparés frais).
Par ailleurs, le Codex Alimentarius travaille à la rédaction d'un Code des bonnes pratiques d'hygiène pour la cuisson sous-vide (Alinorm 99/13, Appendix Ill).
Recommandations: L'ECFF conseille une réduction de 106 log de Listeria monocytogenes et de C/ostridium botulinum. Lors du refroidissement, la température doit atteindre 4°C en moins de 2 heures, afin d'augmenter la durée de vie du produit, le pH doit être inférieur à 5,0-4,6 ou l'activité de l'eau se situer en dessous de 0,97.


ASPECTS ORGANOLEPTIOUE ET NUTRITIONNEL
Les critères d'évaluation de la cuisson les plus couramment utilisés sont : la couleur, la texture, le développement des arômes, la coagulation des protéines, l'hydrolyse de la pectine pour les végétaux, l'hydrolyse du collagène pour les produits carnés et la quantité de vitamine Bl.
Les modifications qualitatives des aliments cuits sous-vide sont généralement estimées grâce aux valeurs cuisatrices, C ou V c, exprimées en minutes. Ces données sont calculées à partir de mesures objectives (couleur, texture, taux de vitamine Bl) ou de tests d'analyse sensorielle. Elles correspondent au D du traitement thermique. Quelques valeurs cuisatrices sont citées dans la littérature, mais ces rares données ne sont à considérer qu'à titre indicatif. En effet, chaque matière première mise en œuvre dans un plat cuisiné a ses propres valeurs cuisatrices. Une hétérogénéité qui justifie d'ailleurs en partie l'essor de la cuisine d'assemblage.

PRODUITS CARNÉS
L'Adria de Normandie et le Créa ont travaillé à la détermination des ordres de grandeur des températures à atteindre au cœur du produit. Les barèmes de pasteurisation se déduisent ensuite de cette température cible. Quelques valeurs à titre d'exemple :
- viande rouge rôtie : de 58 °C à 60 °C, pour conserver le caractère saignant,
- viandes blanches : de 65 °C à 80 °C. Des températures supérieures favoriseraient l'exsudation et le produit se dessécherait,
- viandes en sauce : la tempéra­ture peut monter jusqu'à 90 °C grâce à la présence de l'humidité de la sauce,
- cuisses de poulet : 71 °C,
- poissons gras : 58 °C,
- poissons maigres : 60 °C.

CAS DES VÉGÉTAUX
La bonne qualité organoleptique des légumes se reconnaît notamment à leur croquant et couleur. En outre, pour la préservation des propriétés nutritionnelles, la destruction des vitamines doit être minimisée.
Les valeurs cuisatrices couramment citées dans la littérature pour les légumes sont de 100°C pendant 4 à 13 min. Pour la pomme de terre, elles s'étaient de 35 à 50 min à 90°C et de 4 à 12 minutes à 100°C.
Pierre Mafart et les étudiants de l'IUP de Quimper ont réalisé une étude bibliographique intitulée « Cinétiques de dégradation des propriétés organoleptiques des aliments soumis à un traitement thermique ».
Celle-ci présente les modèles développés pour caractériser les modifications des qualités des aliments soumis à un traitement thermique. Elle présente également une synthèse des principales publications sur l'évolution de la couleur et de la texture.
Quelques exemples : Évolution de la couleur de la sauce tomate : D85°C
= 245 min et z = 62,4;
Évolution de la couleur des haricots verts: D85°C = 25 min et z = 39,4;
- Évolution de la texture des pommes de terre: D100°C = 3,5 à 12,6 min, selon la variété.
Au vu de cette synthèse bibliographique, on retiendra que la cuisson sous-vide s'est développée à l'échelle indus­trielle alors que les données scientifiques étaient encore rares. D'ailleurs à ce jour, peu de valeurs cuisatrices ont été publiées et leur utilisation pour appréhender une juste cuisson et la pasteurisation est délicate. Mais si l'expérimentation est impérative, la modélisation et l'utilisation de mesures objec­tives restent nécessaires pour réduire le temps de développe­ment et optimiser la qualité du produit fini tout en maintenant le niveau dé sécurité ciblé.

Souhaitons qu'une réelle prise en compte de tous les aspects de la matrice alimentaire, de l'aromatisation, du choix des ingré­dients et des additifs, du pro­cess et de l'emballage, fassent l'objet de prochains développements, tant au niveau scientifique que technique.
Les aliments cuits sous-vide se sont imposés mais nous n'en sommes qu'à leur début. L'amélioration du procédé per­mettra d'élargir le champ d'applications et d'offrir au consommateur des gammes étendues et des assemblages plus innovants d'aliments de bonne qualité sanitaire et proches de la cuisine traditionnelle.
Thermorésistance des bactéries pathogènes (pH 6.2)
D: est la durée nécessaire pour réduire la population au dixième de sa valeur
à une température donnée
z: est l'élévation de température nécessaire pour réduire D au dixième de sa valeur
Les valeurs pasteurisatrices classiques ne sont pas transposables à la cuisson basse température.

LES MARMITES

Le Thermix'" d'Armor Inox est un procédé de cuisson/refroidissement par immersion avec circulation continue de l'eau et recyclage des fluides chaud et froid. La cuisson dans l'eau assure un échange thermique homogène et précis qui garantit la qualité et la régularité des aliments. Les produits sont tracés. Le système est flexible, compact et évolutif. Il permet de cuire simultanément plusieurs produits dans des cuves différentes.
II Service lecteur: 6018.

LES AUTOCLAVES

Le Steamy Gourmet a été développé par Lagarde avec la société Générale de Restauration (aujourd'hui Avenance) dans les années 1990. Il cuit, pasteurise, stérilise à la vapeur et sous pression, des produits emballés sous-vide en barquettes ou poches. Tout inox, il est équipé pour réaliser des cuissons homogènes en basse température puis refroidir rapidement les produits par pulvérisation d'eau glacée ou injection de dioxyde de car­bone directement dans l'enceinte ventilée. II Service lecteur: 6019.

Le Stériflow, autoclave statique ou rotatif, fonctionnant par ruissellement d'eau sur­chauffée, est équipé d'un microprocesseur assurant le pilotage et le contrôle des cycles de stérilisation. La société Barriquand Stériflow a récemment livré une installation de cuisson sous-vide pour produits en embal­lage souple (sachets mono-portion) sur le nouveau site de Hot Cuisine en Suède. L'ensemble de l'installation est contrôlé par super­viseur.
II Service lecteur: 6020

FOURS ET CELLULES

Pour la cuisson/pasteurisation sans contre-pression de produits de faible épaisseur conditionnés en barquettes, emballages souples ou filets, Capic a développé la cellule de cuisson Multiflux. En hygrométrie contrôlée, les flux sont répartis uniformément sur toute la hauteur du chariot. Polyvalent et de grande capacité de production (2 à 10 chariots équipés de 30 niveaux chacun avec grilles fils ou plateaux), ce matériel est géré par un régulateur de nouvelle génération et peut être relié à un logiciel de traçabilité.
II Service lecteur: 6021.

Le Combi ClimaPlus de Frima est un four, simple à utiliser, qui sature très rapidement en humidité. Ainsi, la cuisson en chaleur humide débute en moins de 3 min et la régulation se fait au degré près entre 30 et 130°C. Connectable à un PC, le système permet d'accéder à l'enregistrement en temps réel du protocole de cuisson. Hormis la cuisson sous-vide, le Combi ClimaPlus autorise le marquage des viandes grillées et rôties (300°C atteints en moins de 6 min en chaleur sèche), ainsi que la remise en température des produits cuits sous-vide. II Service lecteur: 6022.

Temps de chauffage pour atteindre une puissance de 106 - Listeria monocytogenes et Clostridium botulinum
*Pour les températures supérieures à 70°C, les valeurs ont été obtenues par extrapolation, soit un D70 de 0,3 min avec une valeur de 7,5 °C. Elles ne doivent être utilisées qu'à titre indicatif pour l'effet létal.
Les valeurs ont été calculées avec D90 = 1,5 min, et z = 7 °C pour des températures< 90 °C et z = 10 °C pour des températures > 90 °C